Suite à la poursuite par le Collectif Sirako de Kati de la journée commune d’action qui s’était traduite vendredi dernier par le blocage de la RN3, le Premier ministre a reçu, ce 26 août 2019, une délégation dudit Collectif ainsi qu’une délégation du Front d’Action pour la région de Kayes (FARK). Objectif officiel : les écouter, mieux comprendre leurs préoccupations et de mieux les informer sur les dispositions qui sont en cours concernant les sujets de revendications.
Dans son franc-parler habituel, le Dr Boubou Cissé a dit à ses hôtes que leurs revendications sont légitimes avant de leur demander de lever le blocage de la route d’une part afin de permettre une reprise normale des activités socio-économique dans la région. D’autre part le PM a insisté sur l’apport de cette voie à l’économie nationale qu’il aurait chiffré en termes d’apport au Trésor public à 2,5 milliards par jour.
Le conditionnel est de mise, en absence de la matérialité (son communiqué officiel) de cette révélation attribuée au Premier ministre. En tout cas, pour une révélation, c’en est une. Parce que 2,5 milliards de FCFA par jour c’est : 17,5 milliards par semaine, 75 milliards par mois et 225 milliards par trimestre, 900 milliards par an. Et c’est beaucoup d’argent collecté sur une route dont la réhabilitation ne demande que 78 milliards et la reconstruction 350 milliards de francs CFA, selon les chiffres officiels.
Une bavure verbale ?
Vraie fausse communication (intox) ou fausse vraie communication (infox) ? En d’autres termes, le Premier ministre a-t-il réellement communiqué ce chiffre et pourquoi ou le lui a-t-on attribué et dans quel dessein ?
Partant du sang-froid et de la maitrise des dossiers dont on lui crédite, il serait peu probable que ce chiffre ait été avancé par le Dr Boubou Cissé. Autrement, ça serait une bavure verbale dont il n’est pas coutumier (« Fronto li », comme on dit en bambara). Aussi, nous prenons le pari qu’il s’agit d’un malentendu, sur une erreur sur le chiffre. À moins que ceux qui l’ont communiqué aient pris soin de demander la confirmation avant de la rendre publique. Dans ce cas, des questions se posent ?
Comment le Premier ministre, ministre de l’Économie et des finances ait pu avancer un tel chiffre (900 milliards) comme recette sur une seule route nationale dans un pays où les recettes totales qui se chiffrent, cette année, à 2 054,5 milliards FCFA ? Donc, avec 900 milliards FCFA sur 2000, la RN3 devient forcément la première pourvoyeuse du budget national (45%) devant : la douane, dont les prévisions de recettes, au titre de l’année 2019 initialement fixées à 689,1 milliards F CFA, ont été ramenées à 621 milliards F CFA, dans la Loi de Finances Rectificative 2019, les recettes fiscales nettes, constituées d’impôts directs et indirects s’élevant à 1 603,618 milliards de FCFA.
Malentendu sur le chiffre ?
Comment avec un tel pactole (900 milliards par an), le gouvernement peut-il être en difficulté de trésorerie au point d’arrêter les travaux de la RN3, si on en croit à une information donnée par le ministère des Infrastructures et de l’équipement ? Alors que le Premier ministre a dit que ce n’est pas un problème d’argent qui bloque le début des travaux ?
Comment et pourquoi avec une telle recette générée (900 milliards par an), le gouvernement étale sur trois ans le financement de la réhabilitation de la RN3 chiffré à 78 milliards au lieu d’opter pour sa reconstruction totale chiffrée à seulement 350 milliards ?
Si le chiffre avancé est exact, le bon sens va forcément perdre son latin. Parce que le gouvernement n’aura aucun argument pour se défendre si ce n’est la mauvaise communication de son chef. Or, jusqu’ici il a fait, dans ce domaine, un parcours sans faute. Parce que quand on a les moyens de sa politique, on ne fait pas la politique de ses moyens.
Toutes choses qui plaident, à notre connaissance de journalistes profanes, en matière de milliards, qu’il s’agit bien d’un malentendu sur le chiffre. Bien que certains connaisseurs soutiennent que la révélation attribuée au Premier ministre à savoir 2,5 milliards par jour sur cette route soit dans la norme de l’exactitude.
En effet, dans les 2,5milliards par jour, soutiennent-ils, il y a ce qui rentre dans les caisses des de l’État comme impôt et taxes, mais aussi ce qui revient à l’opérateur économique qui fait rentrer la marchandise. C’est donc le tout cumulé qui peut bien justifier cette manne financière révélée par le PM. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement de ce que l’État gagne, mais de toute la chaîne y compris même le salaire des employés, le bénéfice de l’opérateur économique, etc.
Est-ce la raison explique que la Primature prompte au recadrage du tic au tac comme ce dimanche à un confrère n’ait pas pris le soin de répondre à cette controverse ? Pourtant, un éclairage permettrait de dissiper bien d’équivoques et de polémiques inutiles.
Par Sidi DAO